Fadia Haddad
ses calligraphies d’immensité

Par Christian Noorbergen



Aux marges de l’art occidental, l’oeuvre de Fadia Haddad ouvre la voie mystique de la peinture, et s’entoure d’absence. Absence nue, avide, et devenue féconde, effaçant en elle ce qui gravite autour du visible et se désigne aveuglément dans toutes les illusions du monde.
Une mouvance ascendante verticalise toute l’oeuvre.
Chaque peinture, fût-elle née d’un fragile support de papier, semble éterniser un instant unique, sacralisé lors du cycle éternel des renaissances, dans un fabuleux accomplissement toujours imminent.
Fadia Haddad, contemporaine et vive, cerne l’énergie intemporelle des masques, essorée jusqu’à la trame, quand la dynamique humaine fusionne les invisibles puissances de l’univers. Création méditative et décantée jusqu’à l’os. Monde raréfié d’une spirituelle densité. Calligraphies d’immensité. En maîtrise ascétique et guerrière.
Art des masques et des dedans de l’humanité, quand Fadia Haddad, en miraculeuse retenue, explore à vif les confins du mental.
Le masque est sans âge. Il dépasse les identités individuelles pour incarner ce qui relie entre les humains. De l’art primitif aux talismans abstraits de Fadia Haddad, infinies sont les passerelles au pays des masques, et de leurs avatars fabuleux.
Chez les Grecs, c’est lui qui incarne et protège l’âme personnelle, libérée des surfaces du visage. Le masque, ici, dit l’envol des vérités intimes du dedans. Tel l’oiseau des temps d’Egypte, par lui, l’âme fait voyage et s’abandonne aux aventures du ciel.
Fadia Haddad interroge à vif la modernité. Ses peintures d’envol et de haut vol délivrent la modernité des pesanteurs du quotidien. Jamais elle ne succombe aux séductions des surfaces. Son art exigeant est une invitation constante au départ, à l’élan, à la légèreté, au dépassement de soi. Art d’infinie mobilité, comme au temps perdu des naissances du monde. Art d’élévation.
Les traces aigues de Matisse, les oiseaux magiques de Braque, l’écriture dépouillée de l’Asie et les fulgurances gestuelles des grands Américains envoûtent ses créations. Fadia Haddad, magicienne du signe, incante l’étendue. La grâce créatrice, version lente ou version éclair, est en elle. Peu de formes, grande peinture. Elle ignore l’éparpillement chromatique. Chaque couleur est une vibration d’étendue, une forme audacieuse de vérité spatiale. Peu de couleurs, donc, et toujours d’absolues présences. Formes épurées, raréfiées et tendues, implacables d’impact ciselé. Peinture des lointains, monacale, impérieuse et discrète.
La matière d’art, de Fadia Haddad, d’une foisonnante liberté, est prodigieusement habitée. Par elle, par son propre oxygène mental, par les millénaires qui la portent, et par le corps premier qui dit vrai, qui vit art et qui bouleverse l’intellect.
Art d’extrême nudité psychique.
Chaque toile respire à hauteur d’univers.
Fadia Haddad immacule l’existence.
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